Au cours des dernières années, la santé mentale est devenue une priorité mondiale, en grande partie en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19. La crise sanitaire a mis en lumière l’augmentation des troubles mentaux, touchant désormais environ une personne sur huit. Face à la pénurie de soignants et à un accès limité aux ressources, l’intelligence artificielle (IA) émerge comme une solution innovante et prometteuse pour soutenir les patients et les professionnels. Mais quels avantages et défis l’IA peut-elle apporter dans le domaine de la santé mentale ? Cet article explore les perspectives de cette technologie, ses applications concrètes, et les obstacles qu’elle doit surmonter.
L’intelligence artificielle : de quoi parle-t-on ?
L’intelligence artificielle désigne un ensemble de technologies permettant aux machines d’accomplir des tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine, telles que comprendre le langage ou résoudre des problèmes complexes. Cette technologie repose principalement sur deux approches fondamentales qui ont marqué son évolution : le Machine Learning (apprentissage automatique) et le Deep Learning (apprentissage profond).
- Machine learning (ML) : Cette technologie permet aux machines d’apprendre à partir de données sans être explicitement programmées pour chaque tâche. Par exemple, certaines applications de santé mentale peuvent analyser les réponses d’un utilisateur pour détecter des signes précoces de stress ou de dépression.
- Deep learning (DL): C’est une forme plus avancée d’apprentissage automatique, qui utilise des réseaux de neurones artificiels inspirés du cerveau humain. Les chatbots thérapeutiques, comme Owlie ou encore ChatGPT et DeepSeek, utilisent cette technologie pour offrir une expérience d’interaction fluide et naturelle avec l’utilisateur.

Image 1 : Intelligence artificielle et ses branches Machine Learning et Deep Learning
Des outils innovants pour la santé mentale
Dans un monde où les besoins en soins de santé mentale dépassent les capacités des professionnels, les applications basées sur l’IA se multiplient, offrant des solutions accessibles, surtout dans les régions où les ressources médicales sont limitées. Voici quelques exemples :
- Soutien thérapeutique : Des chatbots comme Owlie offrent un accompagnement psychologique de base, en guidant les utilisateurs dans la gestion de leurs émotions.
- Anxiété et stress : Des applications comme Wysa ou Balance sont spécialement conçues pour aider à gérer l’anxiété grâce à des dialogues interactifs et des exercices de relaxation.
- Dépression : Callyope offre un suivi psychologique adapté aux personnes souffrant de dépression, en utilisant des outils d’analyse pour mieux comprendre et accompagner les utilisateurs.
- Addictions : Des applications telles que I Am Sober accompagnent les utilisateurs tout au long de leur rétablissement en leur permettant de suivre leurs progrès et de partager leurs expériences avec d’autres personnes confrontées à des défis similaires.
- Comportements autodestructeurs : Calm-harm soutient les personnes confrontées aux impulsions d’auto-mutilation en leur offrant des stratégies de gestion.
Ces outils permettent d’améliorer l’accessibilité aux soins et d’offrir une réponse immédiate aux besoins d’accompagnement, tout en réduisant la stigmatisation souvent associée aux troubles mentaux.
Les avantages de l’ia dans la santé mentale
L’intelligence artificielle offre de nombreux avantages dans le domaine de la santé mentale. Par exemple, elle permet :
- L’anonymat et l’accessibilité : En proposant des consultations anonymes, les applications d’IA réduisent la crainte de la stigmatisation, offrant ainsi aux utilisateurs un accès confidentiel aux informations nécessaires pour amorcer leur parcours de soins.
- Amorçage : Ces différents outils peuvent servir de tremplin, en aidant les utilisateurs à prendre conscience de leurs difficultés et à amorcer un premier pas vers le rétablissement. Ils ouvrent la voie à une prise en charge plus approfondie, si nécessaire, en fonction des besoins individuels.
- Une prise en charge adaptée : Grâce à des outils de personnalisation, l’IA peut suivre l’évolution de chaque patient et proposer des solutions sur mesure, adaptées aux besoins spécifiques de chacun.
- L’accessibilité géographique : Dans des pays où les professionnels de santé mentale sont peu nombreux, l’IA devient une alternative pour pallier ce manque. Par exemple, certains pays en développement comptent moins d’un psychiatre pour 200 000 habitants.
LES LIMITES ET Défis éthiques
Cependant, bien que l’IA offre des solutions prometteuses, elle soulève aussi plusieurs questions éthiques et pratiques. Parmi les principaux défis :
- La protection des données personnelles : Les données de santé, particulièrement sensibles, sont au cœur des préoccupations. Comment garantir leur confidentialité tout en utilisant ces informations pour améliorer le suivi des patients ?
- La substitution humaine : L’IA peut-elle réellement remplacer l’interaction humaine essentielle dans les soins ? Si ces outils sont très efficaces pour fournir un premier niveau de soutien, il reste essentiel d’intégrer le contact humain pour une prise en charge complète.
- Les risques d’erreurs : Les modèles d’IA ne sont pas infaillibles et peuvent générer des « hallucinations » – des réponses erronées formulées de manière convaincante, ce qui peut potentiellement aggraver la situation d’un patient.
Vers une nouvelle ère pour la santé mentale ?
L’avenir de l’IA dans le domaine de la santé mentale semble prometteur. Du côté des professionnels, l’IA pourrait permettre une analyse plus objective des pathologies mentales, en s’appuyant sur des données massives. Elle pourrait également apporter un soutien personnalisé grâce à une meilleure compréhension des comportements numériques des patients (réseaux sociaux, géolocalisation, etc.).
Du côté des patients, les chatbots thérapeutiques et les applications de suivi continu peuvent offrir une prise en charge plus flexible, à moindre coût et accessible partout, à condition que ces outils soient utilisés comme un complément à l’accompagnement humain.
Cependant, pour que l’IA tienne ses promesses, il est crucial de maintenir un équilibre entre innovation technologique et éthique médicale. L’intelligence artificielle ne doit jamais remplacer les professionnels de santé, mais plutôt les soutenir dans leur mission de guérison et de prévention.
En conclusion
L’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives passionnantes pour la santé mentale. Bien qu’elle ne remplace pas l’intervention humaine, elle constitue un outil précieux pour améliorer l’accessibilité et la personnalisation des soins. Toutefois, il est essentiel de garantir la sécurité des données et d’éviter toute dérive technologique qui pourrait nuire à la qualité de l’accompagnement thérapeutique. L’avenir de la santé mentale pourrait bien passer par un mariage réussi entre innovation et humanité.
Dr Mehuys

Sources :
- Oswald P. Certificat interuniversitaire en IA en médecine et santé digitale. 2024- 2025.
- Parlement européen. Intelligence artificielle : définition et utilisation [Internet]. Disponible sur : www.europarl.europa.eu/topics/fr/article/20200827STO85804/intelligence- artificielle-definition-et-utilisation. [cité le 24 févr. 2025]
- Falala-Séchet C, Antoine L. Quels sens et pertinence d’un chatbot de soutien psychologique dans le quotidien des personnes ? French Journal of Psychiatry. déc 2019;1:S59.
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